Jeunesse malienne : réussir à tout prix

Article : Jeunesse malienne : réussir à tout prix
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3 septembre 2023

Jeunesse malienne : réussir à tout prix

« Réussir à tout prix » un slogan qui hante les esprits de la jeune génération malienne (et toute la sous-région), une étiquette qui marque la jeunesse africaine globalisée. 

Sur les graffitis géants des murailles qui enflamment les trottoirs dakarois (Dakar, Sénégal), s’il y a une chose que j’ai bien retenue, c’est cette folle ambition de la jeunesse africaine, qui veut avancer et réussir à tout prix.

Crédit @mohaventure

Mon ami Moctar ne me dira pas le contraire ! Lui qui torture mes oreilles chaque nuit avec ses envies folles de devenir footballeur, malgré les difficultés et tous les risques que cela comporte… Il rêve et veut y croire, du haut de ses vingt ans d’existence sur cette terre malienne, la terre des combattants éternels de la liberté et du changement (Mali). Moctar veut quitter ses études universitaires à la faculté des Droits publics, pour s’embarquer sur l’océan, en espérant que son rêve se réalisera. 

Dans ce vaste pays qu’est le Mali, mon ami n’est pas le seul à rêver d’un avenir meilleur ailleurs

Au Sahel, l’accroissement des crises répétitives depuis plus d’une décennie rend la vie encore plus difficile. La terre malienne souffre de rareté d’opportunités pour les jeunes. La mauvaise gouvernance des décideurs politiques accentuée par des putschs militaires qui ont exacerbé les défis sécuritaires et économiques, sans évoquer les nombreux problèmes de corruption qui créent de la défiance envers les autorités et font souffrir la population. Au Mali, l’espoir et la chance des jeunes pour s’en sortir dignement diminue quotidiennement. Les jeunes maliens sont sans perspectives. Je suis attristé et horripilé à chaque fois que j’entends l’écho de la mort d’une connaissance, d’un ami, de quelqu’un de l’entourage, de compatriotes ou encore de jeunes sahéliens ou africains, sur la mer en joignant l’Europe. Une sensation d’impuissance mêlée d’une révolte me saisis par la poitrine. 

Mais comment faire pour empêcher cette tragédie ?  

J’écris, mais mes poésies peinent toujours à convaincre ces milliers de jeunes exposés à l’insupportable dans leur propre pays. Mes vers restent jusqu’à présent inaudibles aux oreilles de nos dirigeants pour prendre au sérieux la question des jeunes. C’est toujours les mêmes discours et les mêmes promesses d’un avenir meilleur pour les jeunes, qui peine à se concrétiser. C’est pour cela que je donne raison aux parole de mon ami Sidi, avec ses tchatches digne d’un afro-pessimiste : « ils ont besoin de nous uniquement pour mobiliser pendant les élections, ou durant les grands meeting et les manifestations. Ceux qui représentent les jeunes sont en réalité contre nous… »


Je vais vous décrire la situation, et jure que c’est la vérité !  

A la vue de tout ce qui se passe aujourd’hui au Sahel qui traverse de nombreuses crises, c’est pertinent que les jeunes sont manipulés. Ils sont souvent manipulés et mal orientés. C’est pour cela que je les avertis à travers ma prose, je les sermonne pour les dissuader, je dis à mes amis du « grin »  (espace de causerie des jeunes autour du thé) que notre développement dépend avant tout de nous, et qu’il n’est en aucun cas contrôlé par aucune puissance étrangère. Je leur dis de ne pas croire ces nouveaux panafricains qui leur noircissent les cerveaux, car ils sont tout simplement au service des gens qui veulent créer le désordre chez nous. Et pas seulement du désordre ! C’est plus grave encore, ils cherchent aussi à bourrer les esprits par des ressentiments coloniaux, ils bourrent les esprits avec des ressentiments identitaires qui commencent à instaurer de l’égoïsme et des discours revanchards. Le faux prend au collet le vrai ! 

Cette situation de crise ne pousse pas les jeunes uniquement vers l’immigration clandestine, elle les mène sur d’autres terrains glissants et dangeureux, toujours pour viser la réussite. Evoquons la crise sécuritaire : le marché pour recruter les jeunes guerriers est aujourd’hui ouvert. Soit c’est les jihadistes qui manipulent les jeunes pour qu’ils les suivent, avec un salaire mirobolant, soit c’est les groupes d’autodéfense, avec tout le sermon de la défense de leur contrée. Les jeunes cherchent aussi la réussite sur les réseaux sociaux. Certains trouve du boulot à travers la « videomania », comme on peut le lire dans la presse, ces  » «vidéo-men» sont de plus en plus sollicités pour diffuser des messages de propagande, véhiculer des fausses informations ou des invectives. Cela au mépris total des règles de bonne conduite, des principes éthiques et déontologiques, très chers à tout journaliste professionnel. » Les jeunes qui suivent cette voie deviennent des web-journalistes sans formation ou des web-activistes sans réellement de cause prépondérantes à défendre. 

Réussir positivement       

Malgré les difficultés du Sahel, liées à la crise sécuritaire et au contexte politique tendu, il faudrait adopter un mécanisme permettant aux jeunes ouest-africains de pouvoir rêver librement chez eux. Rêver d’un avenir possible et heureux chez eux. Cela passe inévitablement par la valorisation de la ressource humaine que représente la jeunesse pour leurs pays. Cela passe aussi par l’ouverture de lieux et d’espaces spécifiques, qui permettraient aux jeunes de s’affirmer en tant que jeunes, et qui leur permettraient de parler librement en abordant tous les sujets qui les touchent spécifiquement.

Comme disait Barry-Flow, un perroquet humain que j’ai l’habitude de croiser au « Chicha House » de Titibougou, un quartier de la Capitale malienne : « les jeunes ont besoin de formation, de coaching et d’orientation aujourd’hui dans ce pays. Nous sommes l’avenir du pays et c’est inadmissible de voir les jeunes battre pavé pour une nouvelle colonisation qui ne dit pas son nom au Sahel aujourd’hui… » 

Pendant une manifestation contre la présence française à Bamako. Crédit @Ousmane Traoré dit Makaveli

Les jeunes sont un atout pour le développement de toute nation. Il est important de leur inculquer des valeurs sures et saines pour le monde de demain. Cela passe nécessairement par l’accompagnement, la formation, le coaching et la bonne orientation. A mon humble avis, la responsabilisation au sein d’organisations (à travers le bénévolat dans un premier temps) pourrait être une solution pour les jeunes. Cela leur permettrait peut-être d’atteindre l’idéal de réussite dont ils rêvent, sans se perdre sur de « fausses routes ».

Aujourd’hui, malgré tous les stéréotypes que l’on colle au continent africain et plus particulièrement à sa jeunesse, soyons optimistes et espérons que les choses bougent. Sur la scène entrepreneuriale, culturelle, médiatique, environnementale et même politique, les jeunes innovent et veulent faire de la réussite un credo. Les jeunes constituent une force dynamique, le nouveau visage du continent s’impose ! 

Alors d’accord pour réussir à tout prix, mais positivement…! 

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