Le Mali aux couleurs du referendum  

Article : Le Mali aux couleurs du referendum  
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10 juin 2023

Le Mali aux couleurs du referendum  

Depuis le parachutage des militaires au pouvoir en août 2020, le Mali se prépare pour sa toute première élection ce 18 juin 2023. Cela débute par un référendum pour approuver la nouvelle constitution qui fera entrer le pays dans la quatrième république. Même si les organisations de la société civile et des partis partis politiques appellent massivement à voter OUI, la mobilisation reste timide.

Bamako s’éveille sous une fraîcheur surprenante en ce début d’hivernage. L’étouffante chaleur estivale cède alors place pour cette journée à ce beau temps. Les quelques lèves tôt sont déjà dans les rues. Les longues salutations matinales s’accumulent… Sur les médias les appels pour « un Oui massif » pour le référendum s’accentuent de partout. Ces déclarations sont souvent vides en argumentation. Même sur les téléphones mobiles, l’ambiance du référendum se fait sentir à travers les messages incessants appelant à voter OUI ou à glisser les cartes blanches dans les urnes. Donc les firmes téléphoniques maliennes influencent maintenant le vote du peuple ? 

Capture d’écran de ma messagerie téléphonique

L’ambiance du référendum   

La capitale malienne brille déjà par la couleur du référendum, les panneaux publicitaires sont pris d’assaut par les partisans du OUI.

@mohaventure

Sur ma vieille moto en carcasse, mon casque musical aux oreilles, la chanson « le pays va mal » de Tiken jah Fakoly est à fond. Autour de moi, dans cet embouteillage monstrueux typique du début de semaine, une caravane de partisans de la carte blanche distribue un bouquin à l’effigie du président de la Transition. On va souvent jusqu’à dire que le OUI est synonyme du paradis et le NON son contraire. Dans les rues de la capitale malienne, on parle de tout sauf la réalité dans cette histoire de nouvelle constitution. Un attroupement des jeunes portant tous des t-shirts blancs coupe la circulation. Ils mènent un cortège vers le plus grand stade du Mali pour la grande mobilisation pour le OUI, présidée par le Président du Conseil National de Transition, Colonel Malick Diaw. D’après mon ami Cheick Oumar Konaré, « tous ces jeunes badauds ne défendent que leur 2000f de frais d’essence. La plupart ne connaissent rien dans cette nouvelle constitution. » 

Le référendum

Depuis l’ouverture de la campagne le 2 juin dernier, les partis politiques et les organisations de la société civile ont commencé à appeler à voter pour un OUI massif. Les quelques organisations et coalitions politiques s’investissent quant à elles pour un Non explosif. Notamment la CMAS de l’Imam Mahmoud Dicko, la CODEM, l’appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali…

Initialement prévu pour le 19 mars passé, le référendum a été repoussé par les autorités maliennes pour ce 18 juin. Ce projet de la nouvelle constitution est porté par les maliens à l’issue des Assises Nationales de la Refondation, selon le gouvernement. Cette constitution est un élément essentiel du vaste chantier de reforme notifié par les tenants du pouvoir actuel. Ce qui justifie leur départ au pouvoir en 2024 pour le retour des civils aux affaires. 

Les électeurs auront le choix le 18 juin à venir, entre un bulletin blanc pour le Oui et rouge pour le Non, précise le décret. Il reste toutefois à savoir que malgré la vulgarisation massive de cette constitution qui a été plus médiatisée, beaucoup de nos citoyens ne maîtrisent rien à son contenu. Mais certains médias demeurent dynamiques pour informer quotidiennement sur les forces et faiblesses de cette nouvelle constitution qui divise les maliens

@mohaventure

Une nouvelle constitution pour tout changer ?

Dans ce projet de constitution de 14 Titres et 191 articles, le Mali entend franchir une nouvelle étape institutionnelle dans son existence. Si le coup d’état est encore une fois considéré comme « un crime indescriptible contre le Peuple malien » stipulé par l’article 187. Il y’a aucune garantie pour bannir le putsch au Mali, d’après les dispositions de l’article 188 qui donne « amnistie » aux auteurs du putsch dans la nouvelle république. Alors que pour beaucoup de personnes, y compris selon ma lecture de la situation sociopolitique, on devrait rendre impardonnable le putsch au Mali. Les institutions du pays deviennent sept avec la surpression du Haut conseil des collectivités et la Haute Cour de Justice, l’Assemblée nationale devient le Parlement composé de deux chambres, celle des députés et des sénateurs. Une nouvelle institution fait son apparition, il s’agit bien de la Cour des Comptes.

Toute initiative allant au troisième mandat ne serait plus possible au Mali, selon les précisions de l’article 45 de la nouvelle constitution : « en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats de président de la République ». Le pouvoir du Président de la République est entièrement renforcé dans la nouvelle constitution portée par les militaires tenant le pouvoir actuellement. Il nomme le premier ministre et les membres du gouvernement et défini la politique de la nation dont le gouvernement ne serait qu’un exécutant. Mais le Président de la République peut être destitué par le parlement en cas de la « haute trahison » selon les dispositions de l’article 73 de la constitution soumis au référendum.

Un pays toujours laïc

Survolant les dispositions sur les garanties des droits et des libertés, dans le chapitre « l’Etat » la nouvelle constitution ne change rien de la devise « Un peuple – Un but – Une foi » du Mali, et le nom de l’hymne national. Mais dans l’article 31 de ce chapitre le français perd sa place de langue officielle en la cédant aux langues nationales. Elle devient alors une langue de « travail » sans d’autres précisions. Tout compte fait, nonobstant la colère de certains regroupements religieux, la forme laïque du pays demeure inchangée. 

La défense de la patrie est devenue « un devoir pour tout citoyen » âgé de 18 ans au moins, et peut être mobilisée aux cotés des Forces armées et de sécurité pour défendre la terre mère. 

Toujours est-il que cette nouvelle constitution qui se repose sur des valeurs sociétales maliennes, les luttes héroïques pour l’avènement de la démocratie dans le pays, des valeurs universelles et qui entend promouvoir les « idéaux de la refondation portés par le peuple malien », est tout simplement rejetée par certaines franches de la population

Cette constitution sera-t-elle approuvée par les maliens le 18 juin 2023 ?

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