L’ère de la désinformation

Article : L’ère de la désinformation
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27 avril 2023

L’ère de la désinformation

Le combat d’intérêt entre les deux putschistes soudanais, les crises sécuritaires malienne et burkinabée, la rébellion en RDC, la crise ukrainienne et la manifestation française, autant de sujets pour enflammer la braise des mauvaises nouvelles dans les rues de mon quartier sahélien. Autour des plats de viandes grillées à l’occasion de l’Aïd, mes amis vont dans tous les sens sur le terrain glissant de la désinformation. A croire que malgré de multiples actions en cours pour freiner l’épidémie des infox au sein de la société malienne, l’éducation aux médias demeure jusqu’à présent une priorité majeure dans mon pays. 

George (nom emprunté) s’occupe avec énergie aux viandes marinées sur le four local confectionné par nos soins. Les discussions fusent à tout azimut, sous la belle sonorité mandingue de la chanson « M’Bemba » du maestro Salif Keita sur la modeste radio moderne connectée à un smartphone. Sidi, dans sa traditionnelle discussion, faisait le tour de l’actualité mondiale. Directement, quelqu’un nous invite dans le combat entre les deux putschistes soudanais. Sans aucune information sure, j’entends la voix gutturale de Boura, cascadant ce qu’on appelle la pure affabulation. 

Photo-collage

« En quarante-huit heures, il y’a eu plus de 20.000 morts dans ce combat entre les deux candidats favoris dans l’élection présidentielle au Soudan. Je ne sais pas ce que joue l’ONU ? Quelle est sa vraie place ? C’est eux le véritable problème africain, elle est la source de notre malheur » s’insurge-t-il en faux.   

Intoxication informationnelle

Voici une insanité qui me fait pivoter sur ma chaise, je lui demande d’où il tire ses informations ? il me cite les noms de quelques webmédias dont je n’ai jamais entendu parler, tout en haussant les pseudonymes de certains soi-disant révolutionnaires panafricains. Qui ne sont rien d’autres que les instruments des conflits d’intérêt des puissances mondiales. 

J’ai essayé de lui renvoyer vers la voix de la bonne information, en lui énumérant les noms de certains médias locaux, nationaux et internationaux très surs. Brusquement, je me suis fait arrêter par trois amis en même temps, « Djo (mon pote), tu nous arrêtes ça. Tous ces médias que tu viens de citer sont des propagandistes qui paraphrasent nos dignes panafricanistes engagés dans la lutte de libération africaine » 

Ces réponses m’ont assommé d’un mal de ventre émanant d’une intoxication informationnelle, qui m’a tenaillé très mal. Depuis que les vlogueurs sans formation, ni éducation aux médias ont fait de ce domaine un métier, la bonne information a pris la tangente au sein de cette société largement analphabétisée. Ils usurpent des casquettes de faux spécialistes, ou celles des révolutionnaires luttant pour un idéal basé sur les gémonies et les critiques stériles qui font l’affaire d’un groupe de personnes ou politiques. 

« On ne sait plus qui croire ou pas »

Les réseaux sociaux sont inondés aujourd’hui par des infos en tout genre. L’actualité est traitée par certains web-activistes de façon non professionnelle et partiale pour seulement distiller la désinformation

« On ne sait plus qui croire ou pas. Les informations viennent de tout azimut, nous qui n’avons pas été à l’école, c’est souvent difficile de faire la part des choses. Personnellement, je ne sais pas si c’est les vidéo-men ou les journalistes de ma radio préférée qui ont raison. » Ce propos provient d’un vieux travaillant dans l’exploitation de sable à la berge du fleuve Niger à Koulikoro.

Lors de notre projet de sensibilisation et d’orientation à l’issue d’un programme américain contre la désinformation, nous avions collecté les avis des étudiants et les exploitants de sable. A travers cette initiative de sondage pour recenser les sources d’information de certaines catégories de la population, dénommée « Founoufounou » soit Tourbillon en français, nous avons constaté l’impact des infos sans source au sein de la société. 

Crédit : Moh

Les initiatives contre la désinformation

Dans leur rapport intitulé « Dans la peau d’un journaliste au Sahel », Reporter sans frontières (RSF) a salué les actions des fact-checkers de la zone au sein des rédactions. Dans ce rapport, RSF invite les journalistes de la bande sahélienne à s’organiser en groupe pour faire circuler la vraie information en dépit des risques qui pèsent sur eux.

Au Mali, les initiatives contre la désinformation poussent de partout pour contrer l’épidémie de désinformation.  A travers le projet « Young fight fake news », plusieurs jeunes sont formés à l’éducation aux médias et à l’information. Cette initiative vise à combattre les fakes news sur les réseaux sociaux dont les jeunes sont particulièrement touchés.

Par ailleurs, le site d’information en ligne Le Jalon forme et outille les journalistes afin de détecter les informations douteuses sur les réseaux sociaux. Pour finir, les deux grandes organisations des blogueurs s’investissent autant dans ce sens à travers des hashtags multiformes pour sensibiliser les internautes.

Le fléau de désinformation est une grande menace contre la paix, la cohésion sociale, le vivre-ensemble et la démocratie est en péril.  

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